vendredi 30 mars 2012

L'observatoire de Nouméa pour le transit de Vénus de 1874

Nouméa, 1874. Voici 105 ans que les scientifiques et politiques du monde entier attendent le transit de Vénus afin de procéder à toutes sortes de calculs mathématiques (entre autres de  calculer entre autre la distance entre la Terre et le Soleil), que seule l'observation des astres  permettait alors. Il faut alors imaginer pour célébrer ce phénomène rare, un réseau d'astronomes éparpillés dans le monde entier aux points d'observation calculés et ce, dans chaque hémisphère, et s'y préparant depuis plusieurs années avant le jour prévu.

La France désire rattraper le retard pris sur l'Angleterre alors plus performante en la matière ; nous sommes quelques années après la défaite de 1870 (souvenons-nous du poème de Rimbaud "Le dormeur du val") et la France désire un peu redorer son blason. C'est ainsi qu'un observatoire est installé à Nouméa sur une colline surplombant la baie de l'Anse Vata.
observatoire de l'expédition française à Nouméa en 1874
dessin d'Albert Tissandier
Les personnes participantes au projet arrivent deux mois avant la date du transit (il faut imaginer le temps de trajet de plusieurs mois de navigation entre la France et la Nouvelle Calédonie, sans compter les périls en mer possible) avec sur les épaules la conscience de la fragilité d'un tel projet totalement soumis aux aléas des conditions atmosphériques qui seront celles du jour J : un ciel couvert et il n'y aura rien à voir et l'observation des points de contact" ne pourra être réalisée.

Un extrait concernant l'observation du transit à Nouméa en 1874 par Jacques LAUGA, professeur à l’Université de Toulouse.

André, astronome à l’observatoire de Paris, se rend à Nouméa avec Angot, un physicien attaché au Collège de France. Nous avons vu André à l’œuvre dans les caves de l’école Normale supérieure, analysant le mécanisme de formation de la goutte noire. Il arrive à Nouméa le 2 octobre.
La Nouvelle-Calédonie est une colonie de fraîche date, principalement utilisée comme pénitencier. La France relègue de l’autre côté du monde les indésirables dont elle souhaite se débarrasser. La capitale, Nouméa, n’est à l’époque qu’une bourgade. L’insurrection de la Commune à Paris en 1871 a provoqué une vague sans précédent de condamnations au bagne. Ces évènements ne sont vieux que de trois ans. André pour autant ne rencontrera pas de communards. Ils sont pour la plupart, Louise Michel notamment, exilés sur l’île voisine des Pins.
L’administration de l’île comprend surtout des militaires. Ceux-ci mettent à la disposition d’André et Angot les quelques ressources dont ils disposent. Ainsi les ateliers du génie et du télégraphe sont-ils mobilisés pour venir en aide aux deux astronomes. Même le parc d’artillerie sera utilisé pour la circonstance. Une escouade de forçats est affectée aux transports et aux constructions prévues. André et Angot installent leur observatoire à quelque distance de Nouméa sur la piste de l’anse Vata. La cabane photographique fait l’objet d’une sollicitude particulière en raison de la sensibilité des plaques photographiques à la chaleur. Le toit de zinc est doublé d’une épaisse couche de niaouli, plante locale dont on tire une huile odorante. C’est donc dans une chambre parfumée que le revolver photographique de Janssen se prépare à fusiller le soleil. Le révérend Richard Abbay , heureux possesseur d’une lunette astronomique à Nouméa, se fait un devoir de prêter son instrument pour la circonstance.
La mission française, réduite à deux hommes seulement, doit impérativement s’étoffer d’observateurs bénévoles. On recrute pour la circonstance tous les officiers Polytechniciens présents dans le voisinage. Il sont aussitôt bombardés aides - astronomes.
Le 9 décembre, jour du passage, commence sous de mauvais augures. Le ciel est couvert au lever du jour. Vers 10 heures 30 une légère amélioration se produit ; elle permet d’apercevoir le soleil sur lequel le disque de la planète, déjà nettement visible, a largement commencé son transit. Les deux premiers contacts ne pourront donc être observés. L’amélioration du temps se confirme pendant la durée du passage. Quelque chose pourra-t-il être sauvé ? André, minutieux analyste de la goutte noire, sera-t-il frustré au dernier moment de ce spectacle qu’il a tant contribué à faire mieux comprendre ? La chance sourit enfin à l’astronome. Le troisième contact est parfaitement observé et la goutte noire, comme à Saigon, est au rendez-vous. Mais l’incertitude sur l’instant du contact est tombée à moins d’une seconde : la goutte noire ne gêne plus.
Les résultats obtenus par la mission de Nouméa sont contrastés mais finalement décevants. Un seul contact sur quatre sera utilisable. En revanche une bonne série de photographies vient heureusement enrichir cette maigre moisson.

Source de l'extrait : Les astronomes français et le passage de Vénus en 1874


Pour les raisons diverses que l'on peut imaginer (désintérêt, abandon, vandalisme, etc...), l'observatoire de cette époque n'existe plus aujourd'hui, tout a été rasé. Ne subsistent, pour commémorer l'évènement passé, que la rue de l'observatoire et un peu plus loin, la rue des trois astronomes.

2 commentaires:

  1. Une histoire intéressante, beaucoup d espoirs déçus malgrés tous les moyens mis en oeuvre.Si j avais été là, j aurais prété mes jumelles aux scientifiques, des Minolta qui ont servit à observer les Egyptiens vivant au bord du Nil lors d une croisiére.
    Bonne soirée Latil

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    Réponses
    1. les débuts des découvertes sont fascinants, j'aurais voulu voir ça !
      tu verras bientôt ici même un article sur le transit de Vénus 2012, il y aura quelques bonus intéressants ! je n'en dis pas plus...surprise !

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